CHASSE

 

  Nous redescendons sur le rond-point. La nuit est douce, pourtant c'est l'hiver. Nous sommes trois dans le véhicule. Trois à nous dévisser la tête afin de rechercher ce véhicule qui a commis un refus d'obtempérer quelques minutes auparavant. Il ne s'était pas arrêté lorsque que les collègues de la BAC lui en avaient donné l'injonction. Selon les informations crachées dans le haut-parleur de la radio de bord, il est susceptible d'être dans le secteur. Nous sommes un peu résignés; cela fait bien un quart d'heure que nous cherchons, et il est peut-être bien loin, maintenant.

  Nous sommes presque sur arrivés sur le rond-point. La collègue au volant : "La 605 !!!". Elle hésite. Elle entame le rond-poind à contre-sens. Juste un petit coup de volant, mais elle se ravise. Finalement elle le prend à l'endroit, rapidement. Les pneus miaulent. La Peugeot 605 noire accélère. Nous ne nous sommes pas encore annoncés; nos lumières et le deux-tons ne sont pas actionnés. Mais la Peugeot accélère, elle anticipe. Le collègue assis au passager avant saisi le micro, il gueule : "Priorité, priorité !!! on a recoller le véhicule du refus d'obtempérer !". Il donne alors la progression du véhicule en fuite. Il gueule. La poussée d'adrénaline l'oblige à vociférer. Nous abordons une côte. Mètre après mètre, le véhicule se détache. Inexorablement. Le collègue indique sur les ondes que le véhicule est monté par deux individus de type "gens du voyage". Les fuyards gagnent en distance. les 1L5 et les 80 ch de notre pauvre Renault Scénic ne font pas le poids face au puissant V6 de la Peugeot. La côte s'arrondie, et nous voilà maintenant en descente. Le véhicule arrive très rapidement à un feu rouge. Il déborde sauvagement la rangée de voitures qui attendent sagement que le feu passe au vert. Ses feux stop s'éclairent en une fraction de seconde... le pied droit n'a fait qu'effleurer la pédale du milieu. Le collègue actionne les lumières et le deux tons. C'est à notre tour. Grand coup de frein... le passage. Une seconde qui paraît en durer dix. Une seconde durant laquelle on imagine avoir fait le mauvais choix. Si un accident survient, alors nous serons à jamais inexcusables. Mais l'adrénaline pousse la collègue à passer allègrement le feu à 100 km/h. Ajoutez au moins 30 km/heure pour le véhicule qui nous précède.

  Descente d'une vitesse. le Renault Scénic bondit : petit cri de gomme. Le moteur gronde, exprime sa colère. Les feux arrières du véhicule en fuite nous fixent tels deux yeux diaboliques. La distance se creuse encore. Nous abordons une nouvelle côte. La Peugeot double sans précaution plusieurs véhicules, elle mord la ligne blanche et  frôle dangereusement les véhicules en circulation. Les lumières oranges et bleues de notre rampe lumineuse illuminent les deux bordures du bois que nous traversons, comme de la peinture projetée en tâches colorées sur la toile de notre poursuite. Le deux-tons hurle à la mort. Une série de virages serrés et nous perdons de vue le véhicule. Les pneus geignent. Sur les bas-côtés, les usagers de la route, comme pétrifiés, sont à l'arrêt. Encore quelques virages. Le collègue "crache" la progression dans le micro. Nous sortons des virages et nous apercevons deux petits feux rouges, au fond. Nous accélérons, mais le véhicule qui nous précède approche anormalement vite... il s'agit d'une Deux-Chevaux. Mauvaise pioche.

  Voir la vidéo qui suit : vous ne verrez jamais en France un véhicule de police prendre de tels risques lors de la prise en charge d'un véhicule en fuite, sous peine de signer en bas à droite.